Comment nous nous sommes rencontrés (Part.2)

Le début d’une belle et longue histoire...

Lynne- Après ce séjour intense en Jordanie, mes pensées sont ailleurs. Une fois rentrée au Canada et de retour à mon travail quotidien, mes collègues qui me connaissent bien sentent bien que quelque chose se passe. Ils savent combien je suis passionnée par mon travail. Je ne compte généralement pas trop mes heures et je suis souvent la dernière à quitter le bureau. Et bien à mon retour tout a changé. Dès que je le peux, je m’échappe du bureau pour rapidement rentrer à la maison afin de lui parler avant qu’il ne soit trop tard à cause du décalage horaire. On passe nos soirées à parler pendant des heures via Skype jusqu’à ce que lui s’endorme aux petites heures du matin. Pendant nos échanges, je me suis vite rendu compte qu’il était un réel globe-trotteur. Nous avions une envie réciproque de se voir et à plusieurs reprises Laurent me glisse les mots « tu sais, je voyage souvent, on ne sait jamais lorsque mon travail peut m’amener jusqu’au Canada ». Nous sommes début juillet. Au Canada on a pas beaucoup de vacances et les miennes approchent. Il y a encore cette petite voix en moi qui me dit de ne pas rater cette chance. Je ne veux pas laisser le temps trop s’écouler, je dois voir si on est vraiment fait pour être ensemble. Je propose donc à Laurent: « Et si je viens te voir en France dans 2 semaines, t’en penses quoi ?»

Laurent- A mon retour en France une routine s’installe: celle de l’appel Skype de 23h30. Surtout, faire en sorte que la connexion Internet marche bien! C’est toujours avec une certaine impatience que j’attends de voir le nom de Lynne apparaître sur l’écran. Chaque soir, on refait un peu le monde et on apprend un peu plus à se connaître, ce qui n’arrange pas forcément la récupération du décalage horaire, d’autant plus que j’ai encore un déplacement de quelques jours à Bahreïn… Mais je tiens le coup et l’envie de revoir Lynne est bien présente. C’est finalement elle qui m’annonce un soir de début juillet qu’elle compte bien venir profiter de ses vacances d’été en France. Ah oui? A quelles dates? Du 9 au 21 juillet ? Ça tombe bien, je n’ai rien de prévu. Et comme l’improvisation a du bon, je lui propose de me rejoindre sur notre voilier familial, un Feeling 326 basé à Canet-en-Roussillon. Rien de tel que la proximité dans un espace confiné pour savoir si nous sommes compatibles. Et autant savoir tout de suite si Lynne aime être sur l’eau. Pour une fille qui se dit originaire de l’océan, ça devrait être une formalité…

"Que va t-il arriver à ma fille?..."

Lynne- Mon départ en France ne se fait pas sans doutes ni sans craintes, ni pour moi ni pour ma famille. Imaginez la réaction de mes parents lorsque je leur dis que je pars en France passer 2 semaines sur un voilier avec un garçon que j’ai croisé à peine trois jours en Jordanie! Et bien, comme tous parents qui se soucient de leur petit « bébé de la famille », la réaction est à la fois réservée et positive. Ma mère entame immédiatement toutes les recherches sur Google pour en savoir plus au sujet de Laurent. Elle finit par savoir à quel collège il est allé, ses prouesses en volleyball en France, bref, elle en sait presque plus que moi 🙂 J’ai même un ami qui me suggère de vérifier son casier judiciaire. J’ai bien apprécié toute la vigilance et la préoccupation des gens autour de moi. Une fois dans l’avion, j’appréhendais un peu mon arrivée en me demandant si tout allait bien se passer. Qu’arrivera-t-il si on ne s’entend pas très bien après quelques jours, tout me passait par la tête… Je me suis finalement appuyée sur ma petite voix intérieure en me disant « prends un jour à la fois ». À mon arrivée à l’aéroport de Perpignan, je suis accueillie avec un très grand sourire sympathique de Laurent. Un sentiment de soulagement s’installe, tout va bien aller. 

Nos premières navigations!

Laurent- Nous sommes le 10 juillet, tiens, tout juste un mois depuis notre rencontre à Amman. Bon… simple hasard. J’attends patiemment Lynne à l’aéroport de Perpignan quand j’aperçois l’avion en approche. Dans ces moments là, l’impatience grandit vite! Au moment d’atterrir, remise de gaz, l’avion repart avant même d’avoir touché le sol!… Lynne aurait-elle paniquée et soudoyé le pilote de repartir?… Finalement, la deuxième tentative d’atterrissage est la bonne et Lynne a bien eu le courage de descendre de l’avion. Nous sommes vraiment heureux de nous retrouver, mais très vite, une surprise l’attend: nous avons un invité de marque à bord du bateau en la personne de mon père! Prenez-le comme vous voulez, mais soit on considère que l’on bénéficie d’un voilier privatif avec skipper, soit j’ai assuré mes arrières au cas où quelque chose tournerait mal… La première bonne surprise, c’est que Lynne n’a pas le mal de mer. Malgré une bonne brise lors de la première sortie et un incident sur le vis-de-mulet qui décroche la bôme de la capsule du mât, elle se sent confortable sur le bateau. Au moins elle est tout de suite dans le bain des péripéties d’une navigation. Au fil des jours, nous lui faisons découvrir les plus beaux coins de la côte Vermeille avec un mouillage obligé à Collioure. 

Lynne- Une fois arrivée à Perpignan, Laurent m’invite tout de suite à rejoindre un groupe d’amis en bord de mer pour regarder la finale de la Coupe du Monde de foot. Je pense que c’était un test pour voir ma capacité d’adaptation mais bon, il ne l’admettra jamais. On se rend ensuite sur le bateau familial et même si c’était un peu une surprise de se retrouver en compagnie de son père Jean-Claude, le voyage n’aurait pas été le même s’il n’avait pas été là. Les deux semaines passées ensemble à 2 et aussi à 3 furent inoubliables. Jean-Claude était à nos petits soins nous permettant de passer beaucoup de moments à deux. Il m’a appris plein de bonnes leçons de voile et fut tout simplement d’excellente compagnie. J’ai eu droit à deux semaines de rêve dans ce décor magnifique en longeant des lieux féeriques comme Collioure, Argelès-sur-Mer et j’en passe. Laurent et moi avons appris à mieux nous connaître en deux semaines, presque plus qu’en un an. La mer a cet effet de retourner à l’essentiel.

Le temps du départ...

Lynne- A la fin de ce séjour, j’avais le cœur tellement gros, je ne voulais vraiment pas repartir. Quitter Laurent, cet homme généreux, rempli de vie, débrouillard, partant pour découvrir la vie. La seule chose qui me passa pas la tête est comment va-t-on faire pour se revoir?

Laurent- Mais où est passé le temps? Deux semaines se sont déjà écoulées, entre navigations, randonnées, baignades paradisiaques… Lynne doit rentrer au Canada et c’est à reculons que l’on doit partir pour l’aéroport. Forcément les « au revoir » sont toujours un peu douloureux et mon père et moi retournons au bateau sans un mot… Il y a comme un air de dépression qui vient inonder la cabine et avant qu’il ne soit trop présent, nous décidons de nous échapper pour une journée de randonnée en moyenne montagne dans l’arrière pays perpignanais. Un bon bol d’air frais nous fera le plus grand bien et nous changera les idées!…

Un déménagement outre-atlantique...

Laurent- Le reste de l’été portera conseil. Quand la bonne personne pour vous se présente, il ne faut pas la laisser s’échapper. Profitant d’une période un peu plus calme au plan professionnel, je décide de rendre visite à Lynne à Ottawa dès la fin du mois d’août. Désormais, mes voyages auront pour point de départ et point d’arrivée le Canada. A chaque visite mes séjours durent un peu plus longtemps et c’est finalement naturellement que je finis par y poser mes valises et à y prendre l’accent. La suite, elle s’écrit à vitesse grand V: mariage en juin 2011, Mathieu arrive le 30 août 2012 et Océane le 30 septembre 2013. L’aventure en famille peut commencer, aux côtés de Lisa et Emma qui nous rejoignent régulièrement.

Se raccrocher à ses rêves

Du rêve à la réalité

Combien de fois n’avez vous pas été pris au sérieux par des personnes de votre entourage lors de discussions au sujet de certains de vos projets ? « C’est impossible… », « Tu n’y arriveras pas… », « C’est beau de rêver… », « D’autres ont déjà essayé… »… Autant de petites phrases qui peuvent facilement créer le doute ou vous donner plein de bonnes raisons pour ne pas vous lancer.

Depuis l’âge de 8 ans, j’ai voulu devenir un sportif de haut-niveau. A cette époque je jouais au tennis, je rêvais devant les exploits de Yannick Noah qui venait de gagner le tournoi de Roland Garros. Cette envie de faire du sport un métier ne m’a jamais lâché. Lorsqu’à l’âge de 17 ans, Michaël Chang remporte ce tournoi du Grand Chelem, je me dis que j’ai encore du chemin à parcourir malgré un début de détection, et je me lance dans le volley après de multiples sollicitations de mon professeur d’éducation physique et sportive qui joua de toutes les subtilités pour me compter parmi les joueurs de son équipe. Pari gagné, deux années après, j’intègre l’équipe de France cadets puis juniors avant d’être le plus jeune joueur sélectionné en équipe de France A juste après les Jeux  Olympiques de Barcelone. Ma carrière de joueur professionnel pouvait débuter.

Une attirance pour la mer et les bateaux

Au-delà du sport, j’ai toujours eu un faible pour la mer et les bateaux. Tout petit sur l’Ile de Ré, j’étais toujours le premier pour partir à la pêche sur le petit bateau familial. Sitôt rentré à la maison, je me lançais dans mon univers imaginaire en installant des matelas au sol, en posant à l’envers un vieux paquet de lessive en guise de moteur et c’était parti pour des heures de navigation dans mon jardin. Mes parents se souviennent encore de mes ronflements assourdissants imitant un moteur somme toute peu efficace… Mais déjà, je rêvais d’évasion et d’aventures. A tel point que je cherchais toujours à comprendre comment fonctionnaient les choses pour pouvoir devenir rapidement autonome. Cela m’a valu de presque couler notre petit bateau de pêche et de perdre le moteur au fond de l’eau…

Après les parties de pêche, la voile est entrée dans nos routines estivales. Mon père moniteur de voile et compétiteur avait la possibilité de naviguer sur le voilier de régate (un Surprise) d’un ami et nous partions quelques jours découvrir les côtes de la Costa Brava. Puis le divorce de mes parents a pas mal changé les plans et je suis resté assez éloigné de la voile pendant plusieurs années, notamment pendant ma carrière sportive. Ce n’est qu’à l’âge de 26 ans que j’ai renoué avec cet univers en naviguant sur le bateau familial, un Feeling 326 du chantier Kirié, et en prenant au fur et à mesure un peu plus d’expérience de la mer et de la navigation hauturière, en équipage ou en solo. La Méditerranée est devenue notre lieu annuel de vacances où nous nous retrouvons avec nos enfants qui eux aussi, ont pris le virus de la voile.

L'appel du large...

Depuis quelques années, avec la famille qui grandit et s’agrandit, Lynne n’a cessé de m’entendre pester contre le manque d’espace évident d’un 32 pieds. Avec six personnes à bord, la phrase favorite de l’été est vite devenue « Il nous faut un plus grand voilier! ». Avec mon double mètre et quelques douleurs articulaires qui me rappellent que finalement le sport de haut-niveau est loin d’être favorable à votre santé, je n’ai cessé de répéter au cours des 10 dernières années que nous devions acheter notre propre voilier pour partir en voyage. J’en ai écumé des sites de vente de bateaux, des kilomètres sur les pontons, en essuyant à plusieurs reprises de grands moments de solitude au vu des réactions de Lynne qui manifestement ne croyait pas un seul instant que nous serions en mesure de réaliser un tel projet. « Arrête de rêver, nous n’avons pas les moyens… ».

Il ne m’en fallait pas plus pour nous donner les moyens de créer des conditions favorables. Il y a deux ans, nous avons mis en place un plan d’actions prenant en compte nos situations personnelles et professionnelles avec l’objectif d’acheter notre bateau et partir autour du monde en famille. Après beaucoup de travail et d’ajustements, nous voilà aujourd’hui propriétaire d’Inuksuit, notre Dynamique 52, en pleine préparation pour aller découvrir le monde autrement.

Ne laissez jamais personne vous dire que c’est impossible. Les rêves font avancer et donnent une énergie incroyable. Ils nous aident à surmonter les périodes difficiles, les périodes de doutes. Rêver, planifier, agissez!