La traversée de l’Atlantique

Le 4 février 2022 et après avoir navigué vers le Cap-Vert depuis les Canaries, nous quittions Mindelo pour nous élancer pour la première fois dans la traversée de l’Atlantique pour un parcours de 2.400 milles nautiques (4.445 km) avant d’atteindre la Martinique en 15 jours 22heures. Cette expérience en famille restera sans aucun doute parmi nos plus beaux souvenirs familiaux.

Au moment d’appareiller, ce fût un mélange d’émotions pour tous, entre excitation, inquiétude et concentration. Car même si de nombreux bateaux font la traversée de l'Atlantique chaque année, se lancer dans ce type d’aventure n’est jamais anodin. On doit prendre soin de son bateau, de son équipage et s’assurer que tout le monde trouve sa place à bord, trouve son confort dans l’inconfort. Et puis on ne sait jamais comment chacun va réagir une fois au milieu de l’océan, face à cette immensité à laquelle on doit se plier si l’on veut arriver de l’autre côté. Deux semaines à terre, ce n’est pas grand chose. Mais deux semaines en mer, loin de tout, livré à soi-même, il faut bien reconnaître que ça n’a pas tout à fait la même saveur… 

Au moment de larguer les amarres, il y a toujours le doute de l’inconnu propre à chaque marin. Même si le bateau a été bien préparé, personne n’est à l’abri de problèmes plus ou moins sérieux. En voyant s’éloigner les côtes cap-verdienne, on sait qu’une fois lancé, il devient quasi impossible de faire demi-tour. A cet instant, je n’ai pu m’empêcher de penser à ces grands marins explorateurs à la recherche de nouvelles terres sans savoir vraiment où ils allaient atterrir… Nous, nous pouvons encore compter sur nos instruments et la technologie moderne pour savoir où nous sommes et où l’on va. Mais il y a une chose qui demeure intemporelle, c’est cette envie d’aller explorer de nouveaux horizons, de repousser ses propres limites, de se redécouvrir soi-même loin de toute pollution médiatique et tentation de la vie contemporaine. Au final, c’est une sorte de pèlerinage, un voyage introspectif pour nous renforcer dans nos convictions les plus profondes.

Aller, on part traverser l'Atlantique! Voici les extraits de notre livre de bord captés au fil des jours.
Jour 1: Le départ 
Ce n’est pas sans émotions que nous avons quitté la marina de Mindelo avec pas mal d’amis sur le ponton pour nous dire au revoir… Imaginez une seule seconde d’ouvrir les yeux le matin et de dire: chérie, aujourd’hui on part traverser l’Atlantique!.. c’est vrai que ça change du métro, boulot, dodo.

On part dans une mer formée et un vent entre 25 et 30 noeuds qui accélère entre les îles de São Vincente et Santo Antao. Le bateau file entre 7 et 8 noeuds avec un surf à 10 noeuds. Une fois le couloir de vent passé, nous mettons cap au sud-ouest pour descendre progressivement vers le 12ème parallèle. On doit se ré-amariner un peu, nos équipiers donnant un peu à manger aux poissons dans ces premières 12h de navigation…

Jour 2: Notre première dorade

Nous venons de boucler 160 milles sur les premières 24h, une belle moyenne. Cette nuit, nous avons croisé à quelques centaines de mètres un gros chalutier chinois qui ratissait les eaux internationales. Nous l’avons vu au dernier moment, il naviguait feux éteints (il les a allumés au dernier moment) et sans son AIS. C’est lors d’une manœuvre que Lynne l’a aperçu juste devant nous. Évidemment, il ne s’est pas manifesté à la VHF… et nous n’avons pas eu d’alarme radar. Bref, une manœuvre d’urgence dans 25 noeuds et une mer formée en évitant l’empannage.

Un peu plus tard, c’est un pétrolier gentleman que nous avons croisé et qui nous a prévenu qu’il allait se détourner de notre route. Plutôt sympa.

Ce matin nous avons pêché notre première dorade coryphene, que nous avons dégustée à midi. Un vrai régal! Nos équipiers Léa, Antonin et Corentin sont encore barbouillés dans une mer formée qui balance le bateau de gauche à droite, mais Lynne et moi assurons les quarts.

Nous avançons entre 6.5 et 7 noeuds en faisant cap au 260. Nous allons aller chercher une route plus sud pour éviter de tomber dans la pétole lundi et mardi. On a pas vraiment envie de s’engluer au milieu de l’océan…!

Notre position après 24h: 16°05’901N - 27°30’078W

Jour 3: On fuit la zone sans vent
Cap au sud / sud-ouest depuis hier en fin d’après-midi. On doit éviter de rentrer dans une zone de pétole qui se déplace entre les latitudes 17 degrés nord et 12 degrés nord. Le bateau continue de bien avancer avec une vitesse moyenne de 6.5 noeuds et nous avons de nouveau bouclé presque 160 milles en 24h.

On voit de plus en plus de sargasses qui pour le moment, ne nous ralentissent pas. Et chaque matin, le capitaine fait la récolte de poissons volants sur le pont. De bons appâts pour continuer à pêcher de belles dorades

Notre position après 24h:  14°12’824N - 28°32’720W

Jour 4: Et si on allait au Brésil?
On vient de boucler notre 3ème jour plein en mer. L’objectif de descendre en-dessous de 12° nord est atteint et dans les temps. Nous allons bientôt empanner pour faire un peu plus de cap à l’ouest tout en évitant le plus gros de la bulle sans vent. Sinon, c’est direction le Brésil! En fait nous sommes plus proche du Brésil que de la Martinique… A choisir, quel serait votre destination préférée?

A part ça hier, petit rappel à l’ordre de l’équipage sur la sécurité. Il est vrai que lorsque la mer s’aplatît, le bateau est vraiment sécurisant et on oublie parfois l’importance de garder son gilet en permanence lorsque l’on est dehors. Le capitaine reste intraitable sur la question.

Nous avons pêché notre deuxième dorade à l’heure du petit déjeuner ce matin. Une belle prise d’au moins 6 ou 7kg qui nous fait faire nos premières conserves. Et comme l’air du large fait parfois perdre la tête, on a utilisé un poisson-volant pour pêcher. On l’a surnommé Serge, comme Serge L’appât… sauf qu’il ne chantait plus. Quand à Océane, elle trouvait le riz trop piquant. Normal, sous les tropiques, c’est trop piquant…

Bon aller, il semble que certains manquent un peu de sommeil. Bon début de semaine à tous!

Notre position: 11°53’502N - 29°24’976W

Jour 5: Une nuit étoilée sous spi

Nous progressons à la limite de la zone sans vent. Pas peu fier de sa stratégie de route le capitaine! Voilà presque 24h que nous sommes sous spi au cap 260°. On ne fait donc plus de Sud avec un cap plus intéressant pour la Martinique. On peut donc oublier le Brésil pour l’heure. Dans la nuit étoilée, notre vitesse s’est stabilisée à 6,5 noeuds de moyenne avec du vent entre 8 et 12 noeuds. Et la bonne nouvelle est que nous devrions pouvoir rester sous spi au moins jusqu’à jeudi!

Côté ambiance à bord, tout va bien. Léa retrouve la forme après une bonne cure de sommeil, on navigue en mode tropiques et les sargasses ne nous agacent pas encore!

Notre position après 24h: 11°41’984N- 31°01’252W

Jour 6: Manœuvres physiques

Ce matin à 11:00 UTC, notre position est 11°37N - 32°51W. Nous avançons entre 5 et 6 noeuds, droit vers la Martinique. Nous avons parcouru 700 milles nautiques depuis le départ, ce qui reste très correct en 120 heures de mer. La navigation est toujours agréable sous spi, même si hier en fin d’après-midi, nous avons eu droit à 2h de travail physique gratuit.

Si vous ne savez pas ce qu’est un coquetier, faites quelques recherches et vous verrez. C’est probablement la pire des situations qui puisse arriver en naviguant sous spi…

Alors qu’après une pleine nuit de veille et une bonne 1/2 journée, je suis allé prendre une petite sieste dans la cabine. Jusqu’à ce que Lynne m’appelle pour me dire que quelque chose n’allait pas. En sortant, le spi de 150m2 était emmêlé en haut et en bas dans l’étai de génois, le tout bien serré par le va-et-vient de la chaussette. Équation quasiment insolvable. Mais finalement avec beaucoup d’efforts, de patience et de calme, nous avons résolu le problème juste avant la tombée de la nuit. Nous n’étions pas trop de 5 pour maîtriser la voile tellement puissante que même emmêlée, elle arrivait à nous soulever.

Malgré tout, tout le monde a le moral, aucun dégât à déplorer sur le bateau pour le moment et la nuit a été bonne. Bref, il fait bon au milieu de nulle part et l’actualité terrestre ne nous manque pas le moins du monde!

Notre position après 24h: 11°34’862N- 32°46’814W

Jour 7: Réveil sous la grisaille

Bonjour depuis le transatlantique Inuksuit!

Il est 11:00 en France au moment où nous écrivons ces lignes, et ici, ben euh… on ne sais plus trop en fait… sauf qu’à l’heure du petit déjeuner, nous avons eu droit aux pancakes d’Océane. On ne se refuse rien! On vit à l’heure du soleil, ou plutôt de la lumière, car depuis hier soir, le soleil a fait place à la grisaille avec quelques averses éparses pendant la nuit.

Nous avons navigué une nouvelle fois 24h sous spi pour pouvoir avancer dans un vent très léger de 8 à 12 noeuds. Nous avons bouclé 120NM ce qui reste convenable, même si nous aimerions faire un peu plus de vitesse. Mais ça va venir, car si vous êtes encore là en deuxième semaine, vous allez voir que ça va envoyer un peu plus lourd! Les estomacs auront intérêt à être bien accrochés!

Mais nous n’en sommes pas là. Apprécions le moment présent comme ces oiseaux de mer surgissant de nulle part qui sont venus chasser le poisson volant autour du bateau au lever du jour. Nous avons la ligne à l’eau tous les jours pour essayer de pêcher, mais les sargasses deviennent de plus en plus denses et ne nous facilitent pas la tâche. Ce qui renforce encore plus la frustration d’avoir échappé une nouvelle dorade encore plus grosse que les précédentes hier…

Voilà pour ces nouvelles de début de 7eme jour en mer, après un total de 820 milles nautiques parcourus depuis vendredi dernier. Il nous en reste encore 1525 d’ici la Martinique et en ligne droite. Et oui… c’est grand l’océan !…

L’équipage d’Inuksuit retourne désormais à ses occupations! Bonne journée à tous!

Notre position après 24h: 11°32’042N - 34°48’894W

Traversée de l'Atlantique
Traversée de l'Atlantique
Traversée de l'Atlantique
Traversée de l'Atlantique
Traversée de l'Atlantique
Traversée de l'Atlantique
Traversée de l'Atlantique
Jour 8: On accélère!

Bon c’est pas tout, mais il est quand même temps d’accélérer en ligne directe vers Le Marin. Cette bulle de pétole nous a obligé à descendre très Sud, rallongeant notre route de 200 milles nautiques par rapport à la route directe, ce qui équivaut à presque 2 jours de navigation. Ce matin au réveil, on apprécie donc d’avoir parcouru de nouveau 155 milles en 24h. Le bateau est plus vivant mais la contrepartie de ça, c’est que la mer aussi. L’ensemble reste malgré tout confortable, on préserve le bateau au maximum et on essaie toujours de pêcher. Sur ce point, nous sommes moins chanceux que les journées précédentes… La grisaille et les sargasses n'y sont certainement pas très innocents…

Tout l’équipage va bien, la routine est bien installée, les grands et les petits visionnent des films et on écoute de la musique.

Ah oui, j’allais oublier! Hier au moment du repas de midi, nous avons aperçu plusieurs baleines à quelques centaines de mètres du bateau. Ça nous manquait, il est vrai que cette traversée de l'Atlantique est pour le moment moins riche en observation de mammifères marins que sur la traversée Canaries-Cap Vert. Mais les choses changeront peut-être à l’approche des Antilles.

Aller, je repars reprendre un peu d’air, il fait chaud à l’intérieur. La mi-parcours est attendue pour dimanche!

Notre position après 24h: 12°27’807N- 36°49’800W

Jour 9: Bienvenue dans un monde qui bouge…! 

Bienvenue dans un monde où se tenir debout est impossible et où la « nautamine » te donne bonne mine!

C’est officiel, nous sommes bien en plein dans le front de nord-est que certains pourraient encore oser appeler « alizé ». Moi je l’appellerais plutôt « démontée »… 30 noeuds établis avec rafales à plus de 40 par moment, même si à l’heure où j’écris, le vent a baissé un peu et les rafales sont moins prononcées. Une chose est certaine, on bat des records de distance en 24h. Nous devrions avoir avalé à 11:00 UTC environ 180 milles nautiques.

Depuis hier 14:00, on marche à une moyenne de 8 noeuds. Même sous 2 ris et trinquette ça déménage. On ne s’est quand même rien refusé après avoir pêché vers 17:00 non pas une dorade mais un Amberjack que Lynne nous a mijoté au four avec un risotto. Autant dire que dans les conditions météo actuelles, cela tenait du numéro d’équilibriste!

Le temps de plier la vaisselle, de ne rien laisser traîner et le bateau prenait ses premières grosses claques sur la coque tribord, avant de se coucher sur bâbord bousculé par de belles vagues d’environ 3 à 4m. Après chaque embardée, le bateau se relève et le pilote reprend son cap au son de la trinquette qui vibre et fait trembler toute la structure.

Bientôt Amberjack retrouve le chemin de la mer, n’ayant pas apprécié l’estomac de quelques-uns de nos équipiers. J’interdis d’aller à l’extérieur, les quarts se font depuis l’intérieur du bateau. De toute façon dans le cockpit c’est douche gratuite et le premier qui mettrait le nez dehors prendrait le risque de se voir transformé en Monsieur Bibendum, le gilet risquant de se percuter sous la violence de certains embruns.

Voilà, voilà… vous l’aurez compris, ça brasse, ça tape, ça déménage, ça tremble, ça craque, mais rassurez-vous, le bateau va bien, l’équipage aussi. Les enfants dorment comme des loirs et je ne serais pas étonné qu’ils veuillent jouer aux cartes au réveil!

Et si vous en voulez encore, on devrait être dans cette météo encore jusqu’à mardi! Quand on aime on ne compte pas!

Allez, bon week-end 

Notre position après 24h: 12°45’868N- 38°54’953W

Jour 10: Mi-parcours

Tout va toujours très bien à bord, que ce soit pour le bateau ou l’équipage. Bien qu’il soit difficile de tenir debout dans le bateau sans perdre l’équilibre, notre petite vie au milieu de l’océan reste agréable. Et en cette fin de 9eme journée pleine de navigation, nous venons de franchir la mi-parcours vers la Martinique. En tout cas, mi-parcours en ligne droite, parce que sur le fond, nous avons parcouru en réalité bien plus avec 1.335 milles. Notre incursion vers le sud nous a pas mal rallongé la route, mais c’était nécessaire. Nous allons donc fêter cette étape avec un peu d’eau pétillante et quelques gâteaux apéro histoire de ne pas trop déranger les estomacs des plus fragiles! Et puis de toute façon, l'alcool est interdit à bord en navigation.

Nous continuons à filer à une bonne vitesse en ligne droite sur le cap. Nous avons pour les deuxièmes 24h consécutives parcouru 180 milles. Nous avançons en moyenne à 7,5 noeuds et nous avons été flashés à 13,5 noeuds en long surf sur une vague! On fait régulièrement des pointes au-dessus de 10 noeuds dans cette houle qui reste difficile à décrire et avec 25 noeuds de vent moyen. Le vent devrait accélérer encore un peu en fin d’après-midi jusqu’à mardi matin. En continuant à ce rythme, les instruments prévoient une arrivée dans moins de 6 jours.

Il est difficile de parler de l’environnement dans lequel on se trouve. C’est à la fois impressionnant, fascinant, hypnotisant pour reprendre les termes de Léa. Voir à perte de vue d’immenses vagues aux crêtes blanches qui font monter le bateau à la hauteur d’un bâtiment de 2 étages toutes les 8 secondes, puis accélérer sur un toboggan liquide en évitant la sortie de route, c’est assez surréaliste. On retrouve ici des images que nous pouvons voir dans des documentaires sur la mer, énormes champs de bosses auxquels finalement on s’habitue. 

On observe quelques oiseaux et leur agilité au-dessus des vagues pour aller attraper au vol des escadrons de poissons volants qui plongent dans les creux pour essayer de sauver leur peau.

Jour 11: on avance à l’aveugle 

Malheureusement notre Iridium a grillé hier et depuis 24h, nous n’avons plus de communication avec la terre, nous ne sommes plus en mesure de mettre à jour notre position ni de prendre les mises à jour météo. Il va falloir faire avec, mais ce qui me dérange le plus, c’est l’inquiétude que cela va créer parmi les membres de la famille qui recevaient depuis le départ des mises à jour quotidiennes à heure fixe… bref, pas très marrant pour eux…

À part ça, nous avons de nouveau bien avancé cette nuit avec 180 milles parcourus pour la troisième journée consécutive. À cette vitesse, la Martinique se rapproche vite! Je veux absolument rester dans ce flux le plus longtemps possible tout en économisant le bateau. Pendant la nuit, sous 2 ris et trinquette, les instruments ont enregistré un surf à 14,5 noeuds. Record battu de nouveau!

Comme nous roulons beaucoup entre les vagues qui peuvent parfois atteindre 6m, je vais certainement renvoyer un peu de génois pour rester appuyés correctement entre les surfs.

Position au matin du 14 février à 11:00UTC: 13°45´ - 45°56W

Jour 12: La fameuse Loi de Murphy

Notre nuit a été courte, très courte même. À 4:00 UTC, nous avons un problème de voltage sur nos batteries (pourtant chargées à plus de 90%) qui font déconnecter tous les instruments de navigation, y compris le pilote qui nous lâche subitement dans 30 noeuds de vent, alors que nous naviguions avec 2 ris et trinquette. À peine le temps de sauter de mon lit en petite tenue, que nous avons déjà fait un tour complet en partant au lof, voiles gonflées à contre avec la grand voile bloquée par sa retenue de bôme. Les creux pouvant  atteindre 6 mètres, dans ces conditions, mieux vaut ne pas empanner, ça pourrait être très violent en libérant la retenue. On allume le moteur pour revenir face au vent et virer. On peut reprendre notre cap, je reprends la barre dans des conditions bien musclées en attendant de comprendre ce qui se passe avec nos batteries.

Le seul moyen de leur envoyer de l’énergie pour faire remonter le voltage, c’est en faisant marcher le groupe électrogène. Mince, il ne démarre plus. Vite, on prend l’option du moteur. Après quelques secondes,  il s’étouffe… pas d’autre choix que de continuer de barrer presque en aveugle dans la nuit, uniquement avec le compas de route. Lynne pas très rassurée me relaie à la barre et moi, je me plonge la tête dans le moteur. Le circuit de carburant doit avoir un sérieux problème. Comme un air de déjà vu… Après 2h30 de maintenance moteur, le circuit redémarre. Nous revoilà avec de l’énergie. Avec encore 800 milles à parcourir, il valait mieux relancer la machine… sinon nous aurions navigué à l’ancienne pendant un peu plus de 4 jours, mais sans possibilité de renvoyer du génois qui est électrique… 

Au lever du soleil, le vent baisse en moyenne à 22-23 noeuds mais la mer reste toujours bien formée. Les panneaux solaires prennent le relais du groupe pour maintenir un voltage suffisant et nous poursuivons notre route au cap 280° vers la Martinique. Pour deux petites heures, il est maintenant temps d’aller se coucher…

Notre position le 15 février à 11:00 UTC: 14°40N - 49°51W

Jour 13: Encore 500 milles nautiques

Nous nous sommes largement habitués aux sons de l’océan. Ces énormes quantités d’eau qui viennent mousser contre la coque du bateau dans un grondement proportionnel à notre vitesse nous sont désormais familières. Nous sommes encore fascinés par la puissance dégagée par la nature, mais ce qui nous paraissait gigantesque il y a encore quelques jours et devenu presque commun. Je dis « presque » parce qu’il ne faut rien sous-estimer, l’océan demeurera toujours plus fort et ce n’est pas parce que nous approchons de l’arrivée que nous devons relâcher notre vigilance.

Ce matin au réveil, il nous restait 500 milles à parcourir, à la fois peu au regard du nombre de milles déjà parcourus et beaucoup pour le commun des mortels. Nous avons effectué les 3/4 du parcours en ligne directe. Cette nuit, nous nous sommes relayés à la barre pour soulager le pilote et notre parc de batteries. Tout le monde prend du plaisir à barrer et à sentir le bateau évoluer. Les manœuvres ne sont pas nombreuses, nous restons tribord amure et les seules choses à faire sont de prendre ou de relâcher un ris et réduire le génois ou envoyer la trinquette. Le reste consiste à veiller à l’état de la mer et au vent qui peut rapidement se renforcer, notamment sous les grains. Mais nous avons été épargnés de ce côté là jusqu’à présent. Aujourd’hui nous profitons vraiment de l’alizé avec un vent de 20 noeuds et des vagues de 1,5m à 2m. Ça nous change des creux de 4 à 6m que nous avons connus ces 4 derniers jours…

Suite à notre panne d’iridium, nous sommes également soulagés d’avoir pu prévenir la famille que tout allait bien à bord grâce à un cargo qui croisait à 13 milles de nous hier soir. Son capitaine a gentillement accepté d’envoyer un message en notre nom et de nous transmettre par la même occasion les derniers fichiers météo par VHF. Voilà un nouveau geste de solidarité entre marins.

Nous avançons à une moyenne de 7 noeuds ce qui devrait nous faire arriver samedi dans la matinée.

Notre position le 16 février à 11:00 UTC: 14°44N - 50°21W

Jour 14: Au calme ou presque…

Nous avons parcouru 155 milles depuis la veille. Ça paraît bien peu en comparaison à nos moyennes précédentes et pourtant, ce n’est pas si mal. On prend goût à aller vite et à voir les milles fondre au fil des jours. Ces dernières heures sont un peu moins euphorisantes que les précédentes de ce point de vue. Mais on en profite pour remettre la ligne à l’eau en espérant pêcher de nouveau une belle dorade. Océane réclame des sushis depuis plusieurs jours. On sait au moins comment nous pourrons la cuisiner!

La journée était certainement trop calme dans un flux d’alizé conforme à l’image que nous pouvions nous en faire: 20-25 noeuds de vent de nord-est avec des vagues d’environ 1,5m. Le seul souci à cette allure, c’est que le génois peut facilement déventer derrière la grand voile. Et parfois il n’en faut pas plus pour que sur un claquement, une déchirure apparaisse dans le tissu déjà fragilisé… Nous sommes bons pour l’affaler, poser du scotch spécial Dacron dessus et renvoyer le tout. Ça paraît simple comme ça, mais dans la réalité, avec 20 noeuds de vent et une petite houle, l’exercice devient beaucoup plus sportif avec 75m2 de toile. Nous ne sommes pas trop de 5 pour le renvoyer et moi, m’égosillant pour dicter les manœuvres depuis l’avant du bateau vers le cockpit… j’avoue que quelques noms d’oiseaux ont filé, mais bon, ce qui se passe sur le bateau reste sur le bateau! 

Plus on se rapproche des Antilles et plus nous devons être attentifs aux grains. Toutes les nuits au radar, nous les voyons se former, se disperser, se reformer… Nous essayons d’anticiper au maximum les manœuvres pour ne pas être pris de court en cas d’accélération du vent. Mais jusqu’à présent, nous n’avons subi que quelques gouttes de pluie avec même une sorte d’arc-en-ciel qui s’est formé dans le halo de la lune. 

Notre position à 11:00 UTC ce jeudi 17 février: 14°48N - 54°05W

Jour 15: Une journée à oublier

Il y a des jours où quand ça veut pas, ça veut pas… aujourd’hui en a pris vraiment la couleur et la forme, et ça a commencé tôt le matin avec notre génois… mal enroulé pendant la nuit, au moment de le dérouler alors qu’il faisait encore noir, les écoutes se sont emmêlées sur l’étai, le maintenant prisonnier. Et me voilà parti pour une manœuvre devant, vite assisté de Corentin, m’égosillant avec encore le peu de voix qu’il me reste de la veille pour dicter au barreur quoi faire. L’incident réparé, je m’aperçois que la réparation de fortune sur la déchirure n’a pas tenue avec le fasaillement prononcé de la voile. Il faudra donc recommencer… mais pas aujourd’hui, le vent et la houle étant trop forts. Nous avancerons donc uniquement sous grand voile bien débordée pour essayer de conserver de la vitesse.

J’avoue ne pas être de bonne humeur, d’une part parce que sur de l’inattention, on ne préserve pas le matériel, et parce que notre moyenne de vitesse va encore baisser. Malgré tout, il faut accepter les choses telles qu’elles sont. Les prochains jours annoncent du vent de 8 à 12 noeuds plein Est. Ça va pas arranger nos affaires pour accélérer… on pourrait décider de faire du spi mais la houle ne nous aiderait pas beaucoup à faire plus de cap. Du coup, on revoit notre planning d’arrivée. Je sens que les derniers milles vont être longs. Je vous l’ai dit, je suis d’humeur pessimiste aujourd’hui !

Pour poursuivre la journée, nous échappons 2 énormes dorades, une 3ème fait une belle touche mais file à l’anglaise, quant à la 4ème, on a pas vu ce que c’était mais ça tirait très fort! Et en prime, elle nous arrache le bas de ligne en acier avec l’appât. C’est quand même le 4ème appât qui disparaît depuis le début de la traversée… ça commence à faire beaucoup!

La nuit est plutôt rouleuse, pas très agréable avec quelques grains. Et pour boucler ces 24h, le pain préparé par Lynne n’a pas gonflé, et tout le café matinal prêt à être servi a volé dans le carré balancé par une énième vague. Bon, il est temps que la série s’arrête… on se consolera en constatant que finalement, nous avons parcouru quand même 150 milles sur ces 24h.

Jour 16: Dernière journée au large

Nous touchons presque au but! 

La journée a été contrastée avec au lever du soleil, beaucoup de roulis, une houle de 2m et le vent en plein derrière nous. Après différentes options de voiles pas très fructueuses (génois seul, grand voile seule) et notre volonté de faire du cap sans perdre trop de vitesse pour ne pas trop nous écarter de la route, nous optons pour l’option de renvoyer le spi. Mais pour ça, il faut monter en haut du mât pour réinstaller la balancine de tangon qui donnait des signes de faiblesse. L’occasion rêvée pour Corentin et Antonin de relever un nouveau défi et de nous ramener quelques belles images d’altitude! Le temps de redescendre, le vent s’est stabilisé et nous pouvons finalement renvoyer génois et grand voile sur le cap à presque 8 noeuds de moyenne. 

En fin de journée nous échappons de nouveau une grosse prise, décidément, nos sushis se font réellement désirer… 

La nuit sera bien chargée en manœuvres. On prend 1 ris, on le renvoie. On prend 2 ris, on en renvoie 1. On renvoie toute la toile puis on réduit de nouveau… la faute à ces grains qui se forment en un éclair, font passer le vent de 15 à 30 noeuds en 2 min. On peut les voir se former et se déplacer au radar, avec des trajectoires vraiment aléatoires. S’il faut épargner le matériel, pour les personnes de quart, c’est assez usant… Mais cela n’empêche pas Lynne et Mathieu de nous préparer en plein milieu de la nuit 2 cakes pour le petit déjeuner. Il n’y a vraiment qu’en bateau que tu te lèves au milieu de la nuit pour cuisiner!!

Ce matin le vent a encore un peu baissé, toujours en plein dans notre dos. Nous avançons à 6 noeuds uniquement sous grand voile pour éviter au génois de fasailler et de nous écarter de la route. On continue à rouler mais cela devrait se stabiliser.

Il nous reste 115 milles à parcourir. Dans quelques heures nous verrons de nouveau la terre. Et j’avoue que j’appréhende un peu de revenir d’un seul coup à une réalité que nous avions mise de côté pendant 2 semaines…

Position à 11:00 UTC : 14°35N - 58°55W

Jour 17: Terre en vue, nous l’avons fait! On a traversé l'Atlantique!

Nous approchons des derniers 100 milles, alors que la vitesse du bateau ralentie. Nous naviguons presque plein vent arrière sous grand voile haute et bien débordée pour ne pas nous éloigner trop de la route directe. Le vent est faible, un peu comme si la nature voulait vraiment que l’on profite de nos dernières dizaines d’heures en mer. Chacun est partagé entre l’envie d’arriver et celle de rester encore un peu plus longtemps sur l’eau, loin de tout.

À l’intérieur, l’ambiance est aux jeux de société et aux jeux de cartes. Et la ligne de pêche est de nouveau à l’eau, nous tentons notre chance jusqu’au dernier moment pour essayer de déguster un bon poisson avant l’arrivée. Et nous sommes récompensés en fin d’après-midi! Nous attrapons un thon que nous dégustons le soir en sushis. Quel luxe! Et Océane est ravie.

Vers 1h du matin, nous apercevons les premières lueurs de la Martinique que nous approchons par le Sud pour aller nous installer dans la baie du Marin. À 4h nous touchons au but avec émotion, la satisfaction et la fierté d’avoir accompli quelque chose de pas si commun. Nous avons traversé l'Océan Atlantique! Nous savourons ce moment, tous sur le pont alors que nous tournons devant l’entrée de la baie en attendant que le jour se lève. Nous aurons mis 15 jours et 22h pour arriver, après avoir parcouru 2.390 milles nautiques. C’est assez incroyable et nous avons encore du mal à réaliser…

Et si tôt l’ancre bien accrochée dans le sable, tout l’équipage se jette à l’eau dans un paysage paradisiaque et où les contrastes de couleurs entre les plages, les cocotiers et l’eau turquoise sont saisissant. Nous y sommes, nous sommes aux Antilles!

Traversée de l'Atlantique

Les vidéos de notre transatlantique sont à retrouver ici et ici!

6 leçons après 2 années de voyage en voilier

Les leçons du voyage en voilier

Deux ans, déjà deux ans jour pour jour au moment où j’écris ces lignes que nous avons largué les amarres depuis le port de Canet en Roussillon pour partir à l’aventure autour du monde. Quelles leçons tirons-nous de ces 2 années de voyage en voilier? 

Nous avons parcouru plus de 6.000 miles nautiques, un peu plus de 11.000kms, à travers la Méditerranée, l’Océan Atlantique et la mer des Caraïbes. Et pourtant, notre départ, c’est un peu comme si c’était hier. Nous avons accumulé pas mal de bons souvenirs mais aussi quelques péripéties comme cette première traversée vers les Baléares qui reste bien gravée dans notre mémoire. Nous sommes encore loin d’être des marins aguerris, mais nous avons malgré tout beaucoup appris. Beaucoup appris sur nous-mêmes, sur le bateau, renforcé notre conviction qu’il y a toujours des solutions même dans les situations les plus délicates. Et quel plaisir de pouvoir vivre tout cela en famille tous les jours, de voir les enfants s’épanouir, se responsabiliser, prendre de l’autonomie, développer leur confiance en soi ainsi qu’une panoplie de qualités humaines qui leur seront indispensables dans leur vie.

Il y a beaucoup de choses que nous retenons de ces deux années. Mais pour celles et ceux toujours plus nombreux à vouloir partir et tenter l’aventure en voilier, si nous devions en retenir six à ce stade du voyage, ce serait principalement celles-ci: 

1- Apprivoiser le lâcher-prise

L’une des clés de la réussite d’un voyage en voilier, c’est de parvenir à laisser de côté tous les repères que nous avions à terre pour progressivement se familiariser avec l’environnement marin. Si vous cherchez à reproduire sur un bateau le confort et les facilités que vous aviez en vivant à terre, vous êtes certains de nourrir beaucoup de frustrations. Sur l’eau, tout est différent et souvent plus complexe. Le confort, la logistique, les déplacements, l’entretien. Tout ce qui parait banal dans une maison l’est beaucoup moins dès que l’on met les pieds sur un bateau. Et que vous ayez beaucoup d’argent ou non, cela ne change absolument rien aux défis qui vous attendent. Dans cet univers, ce n’est pas la taille du compte en banque qui compte, mais plutôt la capacité d’adaptation, le pouvoir de résilience, de patience, l’humilité et la débrouillardise.

La clé réside dans l’acceptation à perdre ses repères et à ré-apprendre à évoluer et à s’épanouir dans un nouvel environnement et un nouveau mode de vie. Sur l’eau, ce n’est plus vous qui dictez vos règles, vous devez vous adapter au monde qui vous entoure.

Quand vient la question des enfants, de leur éducation, là encore, le lâcher prise est important. Beaucoup de personnes s’inquiètent pour leurs apprentissages, leur niveau scolaire. La réalité est qu’ils sont à l’école de la vie et bien plus sensibles à l’environnement qui les entourent que la grande majorité des enfants du même âge. Ce mode de vie fait de voyage et de rencontres, parfois dans l’adversité, leur fait développer des aptitudes et des compétences qui leurs seront précieuses pour toute leur vie. Bien sûr il est important de s’assurer qu’ils acquièrent les compétences fondamentales comme lire, écrire, compter. Mais il ne sert à rien de notre point de vue de trop s’obstiner à vouloir leur enseigner comme à l’école. Non seulement il y a plein de situations quotidiennes qui les aident à acquérir ces compétences, il n'y a pas un seul enfant qui ne soit pas attiré ou passionné par un sujet. Mais surtout, ce serait certainement un frein pour profiter pleinement du voyage et des belles surprises qu’il vous réserve.

Les leçons du voyage en voilier
2- Se détacher du superflu

En voyageant en voilier, on se rend vite compte que les choses les plus simples sont souvent les meilleures. Nous apprenons à nous détacher du superflu pour nous concentrer sur ce qui compte vraiment. Nous sommes beaucoup moins pollués par la société d’hyper consommation, par les tentations inutiles, par toutes les polémiques qui font les choux gras des médias et qui exacerbent les tensions entre les gens en stigmatisant souvent les différences et en semant la peur. Le sensationnel s’efface pour laisser place à beaucoup plus d’authenticité, de spontanéité, de solidarité. Il y a une sorte de déconnexion salvatrice qui nous permet de relativiser les enjeux en nous faisant prendre conscience de ce qui compte vraiment. Et tout cela contribue à faire émerger une sorte de plénitude, de bien-être. On remet en question nos anciennes habitudes pour apprécier beaucoup plus la simplicité d’une rencontre, d’un instant à admirer ce que la nature a à nous apporter de plus beau mais aussi de plus simple.

Car au final, n’est-ce pas l’humain et le vivant qui comptent le plus, plutôt que la course effrénée au profit qui créé une société toujours plus individualiste et destructrice? Pour nous, cette conception de la vie dans la simplicité et plus en harmonie avec l’environnement qui nous entoure devrait être une priorité. La vie en voilier aide à cette prise de conscience et à cette déconnexion. Au vu de l’état du monde aujourd’hui, c’est une philosophie de vie qui nous semble bien plus en phase avec les défis que l’humanité doit dès à présent relever…

3- Accepter l’imprévu

Le principe d’un voyage en voilier est que votre plan initial peut rapidement prendre une version B, puis C et éventuellement D. La réalité est qu’il est très difficile de planifier longtemps à l’avance. Généralement, 3 mois est un maximum. En effet, beaucoup de choses échappent à votre contrôle, qu’il s’agisse de la météo, de problèmes techniques à régler sur le bateau ou encore, de l’envie de rester plus longtemps que prévu dans un endroit que vous trouvez agréable et où vous vous sentez bien. En mer c’est la même chose. Il n’y a jamais de petite navigation et même dans un temps calme, vous ne serez jamais complètement à l’abri d’un problème qui vous retardera ou vous obligera à changer votre route. Quant au mouillage, imaginez-vous dans un endroit paradisiaque et en pleine nuit, le vent se lève, le bateau dérape et vous êtes obligé de quitter les lieux en urgence car le mouillage n’est plus tenable.

Ces situations peuvent se révéler très frustrantes, d’autant plus qu’elles sont très inhabituelles dans une vie à terre. Et pourtant, il n’y a pas d’autres choix que d’accepter ces impondérables qui mettent toujours un de peu de piment dans votre voyage, même s’il faut bien avouer que parfois, on s’en passerait bien. Il est inutile de s’énerver, mais plutôt prendre les événements avec philosophie et les accepter tels qu’ils sont. Tout cela fait partie de l’aventure.

Les leçons de la vie en voilier
4- Prendre du plaisir dans la difficulté

Il faut bien se l’avouer, vivre à l’année sur l’eau et voyager en voilier, ce n’est pas toujours facile. Et beaucoup de personnes prétendantes au voyage ont souvent tendance à l’oublier. Derrière la carte postale, les images idylliques, se cache beaucoup de travail, de galères, d’abnégation.  Un voilier nécessite un travail d’entretien quotidien. Et parfois, il faut bien avouer que c’est fastidieux. Finalement, les temps de répit, de détente sont assez rares et loin des idées reçues. Non, vivre sur un voilier ne ressemble aucunement à des vacances permanentes. Et cela nécessite d’avoir de multiples compétences et une bonne dose de curiosité pour pouvoir venir à bout de la plupart des problèmes qui surgissent devant vous. Autant dire que si vous souhaitez juste prendre du bon temps, que vous n’avez pas la passion pour ce que vous faites, que vous n’êtes pas curieux et que travailler dur et longtemps dans des espaces souvent peu accessibles n’est pas votre tasse de thé, il vaut mieux que vous renonciez à vos rêves d’évasion sur l’eau. 

Pour parvenir à apprécier ce mode de vie, il vous faudra prendre du plaisir à apprendre et à ré-apprendre, à démonter et remonter vos équipements, à vous familiariser avec les travaux manuels de toutes sortes. Vos efforts seront toujours récompensés par la satisfaction d’avoir accompli quelque chose qui vous permettra de pouvoir poursuivre votre voyage. Un peu comme un sportif qui s’entraîne dur, qui souffre parfois, mais qui au final, éprouve beaucoup de satisfaction à progresser pour devenir meilleur.

5- Accepter sa vulnérabilité

Voyager en voilier, c’est la garantie de passer par tout un tas d’émotions, positives comme négatives. Les hauts sont très hauts et les bas, très bas. Il n’y a pas vraiment de juste milieu. Autant le sentiment de plénitude peut être à son sommet en découvrant un endroit paradisiaque, autant l’impression d’inconfort, le stress dans des conditions de navigation difficiles peuvent être tout aussi déstabilisants. L’élément marin nous rend vulnérable, que l’on soit novice ou aguerri. Il est sain de laisser aller ses émotions, de les accepter telles qu’elles sont. Si à terre vous étiez de nature toujours positive avec beaucoup de confiance en vous, il n’est pas impossible que la confrontation avec les éléments vous mette dans des situations inhabituelles dans lesquelles vous vous sentirez peu à l’aise et qui vous ferons perdre au moins ponctuellement votre enthousiasme. Le meilleur conseil que l’on peut donner est de parvenir à mettre son égo de côté, de rester humble et d’accepter que nous ne sommes pas grand chose face à la nature.

Les leçons du voyage en voilier
6- Profiter du moment présent

Depuis toujours, l’un des meilleurs endroits que nous ayons trouvé pour nous ressourcer a été sur l’eau. Quelques heures de navigation et c’est quasiment la garantie d’être dépaysé, de vivre un moment hors du temps et de se ressourcer. Lorsque l’on vit à bord à temps plein et que l’on voyage en voilier, le dépaysement n’est pas toujours immédiat. Au contraire, il est facile de se laisser dépasser par le quotidien. Et à quoi bon choisir ce mode de vie si c’est pour se retrouver pris au piège des mêmes choses que lorsque nous vivions à terre, générant souvent angoisses, stress, mais aussi en s’imposant ses propres contraintes.

Prenez le temps d’apprécier le moment présent, de chérir chaque lever et coucher de soleil, de contempler ce qui vous entoure. La beauté réside dans la simplicité. Ne passez pas à côté des rencontres impromptues avec votre voisin de mouillage. Vous serez surpris de la richesse de chaque parcours, vous partagerez de belles expériences et même si c’est éphémère, cela restera toujours un moment fort de votre voyage….

Les leçons de la vie en voilier

10 conseils pour partir voyager en voilier sans expérience

Voyager en voilier sans expérience

Ça y est, votre décision est prise. Après des mois ou des années de réflexions, d’hésitations, vous ne reviendrez pas en arrière. Même avec très peu d’expérience de la voile, dans votre tête, vous êtes prêts à partir voyager en voilier et en famille. À vous la liberté, vous allez pouvoir partir à la conquête du monde, braver l’horizon et les éléments pour vivre l’aventure de votre vie!

Nous ne connaissons pas une seule famille nomade qui n’ait pas ressenti ce bien-être, cette forme de libération et d’excitation après avoir pris la décision de se lancer dans une nouvelle aventure. Il faut une sacrée dose de courage, d’abnégation mais certainement aussi un peu d’insouciance pour décider de quitter son confort quotidien et partir hors des sentiers battus. Mais cette décision a souvent un sentiment libérateur et nous procure l’énergie nécessaire pour franchir les premiers obstacles qui surgissent devant nous.

Pour autant, nombreuses sont les questions qui nous envahissent. Par où dois-je commencer, quel choix de bateau dois-je faire, quels cours dois-je prendre?… Et puis il reste l’essentiel: comment vais-je réagir une fois que je vais être en mer? Car même si nous avons pris quelques cours de voile au préalable ou que nous avons l’habitude de navigations côtières, la navigation hauturière se distingue à bien des égards. Ne plus voir la terre peut par exemple être un facteur anxiogène, avec l’impression d’être livré à soi-même. Et cette angoisse peut vite se révéler oppressante pour une personne qui se lance dans un voyage en voilier sans beaucoup d’expérience préalable. 

Alors pour prendre un bon départ, voici quelques conseils qui vous permettront d’avancer plus sereinement dans votre projet.

1. Ne pas voir trop grand dans le choix du bateau

Lorsque l’on décide de partir en voyage en voilier au long-cours, nous avons tendance à vouloir conserver un minimum de confort, comme à terre. Or ce sont des environnements totalement différents. Il est utopique de penser que toutes les commodités que nous avons dans une maison vont se retrouver sur un voilier. Un bateau doit rester le plus possible minimaliste, car plus il est complexe, plus il est équipé, plus les risques de pannes augmentent. Chacun doit trouver le meilleur compromis entre le confort, les équipements et les coûts associés.

Que votre choix se porte sur un monocoque ou sur un catamaran, vous devez savoir que plus votre bateau est grand, plus il va coûter cher en entretien. Et quand on dit cher, on parle souvent en milliers d’euros. Si vous devez ajouter à cela les coûts des marinas lorsque des travaux sont nécessaires, le budget peut vite être amputé. 

Mais cela n’est pas tout. Car choisir un grand bateau, c’est également devoir être en mesure de le manoeuvrer facilement. Nous avons tous eu des sueurs froides lors de manoeuvres dans des marinas que l’on ne connait pas, avec du vent de travers et des emplacements étroits. Enfin, un grand bateau sera beaucoup plus physique à manoeuvrer en mer. Même avec de l’assistance électrique, le bateau développera une puissance plus importante qu’un voilier plus modeste. A moins que vous ne naviguiez avec des équipages conséquents (ce qui n’est souvent pas le cas en famille), vous devrez être en mesure de manoeuvrer votre voilier en équipage réduit. Mieux vaut donc le choisir dimensionné à son programme et aux capacités de son équipage.

2. Débuter par de courtes navigations qui vont s’allonger progressivement, choisir son programme en rapport avec son niveau d'expérience

Même si vous avez déjà pris des cours de voile, considérez que partir en voyage en voilier en famille avec peu d’expérience, c’est un peu comme se lancer tout seul sur le périphérique parisien le lendemain de l’obtention de son permis de conduire. En gros, vous ne faites pas le malin, vous êtes seul(e) aux commandes et plus personne ne peut vous aider à prendre les bonnes décisions. Et vos réflexes, vos réactions face à un danger sont encore loin d’être aguerris. A chaque fois que vous allez allumer le moteur pour quitter une marina ou un mouillage, votre coeur va se mettre à battre et il y a fort à parier que vous ressentiez une petite boule dans le ventre. Mais cela est sain! Et dites vous que le jour où vous ne ressentez plus cette boule dans le ventre, vous aurez intérêt à redoubler de vigilance. Car l’excès de confiance en mer, ça ne pardonne pas.

Pour éviter de vous mettre trop vite dans des situations de stress intense, débutez par de courtes navigations de 2 ou 3h que vous allongerez progressivement. Bâtissez votre confiance dans le bateau, en vous-mêmes mais aussi dans votre équipage. Tout le monde à bord doit pouvoir apprendre à maîtriser le bateau, à en comprendre ses réactions. Ne soyez donc pas trop ambitieux dans vos premiers milles, mais préférez assurer le coup.

De plus, la réussite d’un voyage au long-cours se joue plus dans l’esprit d’un marathon que d’un sprint. En d’autres termes, préférez aller lentement dans vos déplacements plutôt que de vous imposer d’être rapidement à tel ou tel endroit. C’est souvent lorsque l’on courre après le temps que l’on enchaîne les navigations. On profite moins des escales, on se fatigue plus et l’inconfort peut vite se faire sentir parmi l’équipage. Or l’inconfort peut se transformer en stress, laisser place à la peur, à la saturation et en dernier lieu, à l’arrêt prématuré du voyage.

Avancez donc pas à pas, sans vous surestimer ou sans sous-estimer ce qu’engendre l’accumulation de beaucoup de milles en peu de temps. Rappelez-vous, vous ne faites pas de course mais de la plaisance!

3. Choisissez le plus possible des créneaux météo calmes en portant attention à la houle et aux courants

En voilier c’est bien connu, c’est la météo qui dicte le rythme. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on débute et que l’on a peu d’expérience. Aller se confronter à des vents de plus de 25 noeuds, sauf quand on a pas le choix, ça commence déjà à être sportif pour des équipages non aguerris. Et si vous partez de Méditerranée, méfiez-vous encore plus, car elle est beaucoup plus traitre que l’Atlantique avec des vagues courtes et violentes.

Avant de prendre la mer ou de quitter un mouillage, étudiez bien les fichiers météo en vous basant sur les prévisions les plus pessimistes. Prenez les prévisions en mode « rafales » et ajoutez encore entre 5 et 10 noeuds pour vous accorder une marge de sécurité. Renseignez-vous également sur le particularités de votre zone de navigation. Les configurations des plans d’eau peuvent générer des vents différents de ceux annoncés par les fichiers météo. Et au lieu de vous retrouver dans du 15 noeuds avec mer plate, vous pourriez être surpris(e) avec des vents 2 fois plus forts qui pourraient vous mettre en difficulté. 

4. Ne pas se lancer dans des navigations de nuit tout de suite

La nuit toutes les sensations et les perceptions sont différentes. A vitesse égale, vous aurez l’impression d’aller plus vite. Vous n’apprécierez pas les distances de la même façon et bien sûr, vous n’aurez presque pas de luminosité, sauf en cas de pleine lune. À l’intérieur du bateau, les bruits sont perçus différemment que le jour. Les craquements du bois sont plus marqués, tout semble plus impressionnant. Sans compter les dangers qui peuvent trainer en surface et que vous ne verrez pas, les autres bateaux que vous pourrez croiser et pour lesquels il faudra interpréter correctement le cap, la vitesse, les feux…

Un conseil, allez-y la aussi progressivement. Commencez par faire des petites parties de nuit, comme par exemple partir en navigation en toute fin de nuit pour avoir une à deux heures d’obscurité. Puis allongez au fur et à mesure les durées. Vous verrez que vous gagnerez progressivement en confiance. Et vous pourrez apprécier de plus en plus ces navigations qui offrent souvent un spectacle grandiose: Voie lactée, plancton fluorescent, dauphins…

5. Embarquez un skipper, un moniteur de voile ou un ami qui a de l’expérience pour vous accompagner dans vos premiers milles

Même si vous avez pris des cours de voile, il n’est jamais facile de se lancer tout seul au milieu de nulle part… N’hésitez pas à vous faire accompagner par une ou des personnes qui ont plus d’expérience et qui finiront de vous accompagner et de vous rassurer dans la prise en main de votre voilier. Même si vous resterez le maître à bord, savoir que vous avez des personnes qui auront les bons réflexes en cas de problème, qui pourront tenir des quarts sans que vous ayez à vous inquiéter, ça vaut de l’or. 

Il y a beaucoup de personnes qualifiées qui souhaitent s’embarquer pour des navigations plus ou moins longues. En parcourant les réseaux sociaux, les forums, en postant des annonces, vous trouverez à coup sûr la personne qui vous convient. Mais attention, étant capitaine de votre voilier, c’est vous qui fixez les règles de fonctionnement selon ce que vous recherchez. N’oubliez jamais que le manque d’expérience n’est pas incompatible avec la capacité à déterminer son programme et la façon dont on veut naviguer.

6. L’équipier ou l’équipière adulte qui a le moins d’expérience prend la décision du top départ

Se lancer dans un voyage en voilier en famille sans expérience et pour une longue durée n’est anodin pour personne. Le degré de confort, de confiance et les ressentis sont forcément différents selon les membres de l’équipage. Avant d’appareiller même pour une courte navigation, le départ doit être concerté. Il est conseillé que l’adulte qui se sent le moins à l’aise soit favorable au départ, cela ménagera les susceptibilités et sera un gage d’harmonie à bord. Par exemple, une bonne chose à faire et de laisser la personne la moins à l’aise étudier les fichiers météo et donner son point de vue sur les conditions de navigation. Le créneau de départ pourra ainsi être choisi d’un commun accord. Par la suite, au fur et à mesure des navigations, tout le monde sera plus à l’aise et il sera plus facile de partir.

7. Apprenez à mettre votre bateau à la cape

En mer, nous ne sommes jamais très loin d’une difficulté, d’une météo changeante, d’un problème technique ou tout simplement d’un gros coup de fatigue. Et lorsque vous êtes trop loin des côtes et que vous devez faire le dos rond, l’une des meilleures options consiste à mettre votre bateau à la cape. Mais de quoi s’agit-il exactement?

En théorie comme en pratique, c’est assez simple. Il « suffit » de faire virer le bateau sans ne rien toucher aux voiles et à vos réglages. La grand voile va changer d’amure et la voile d’avant va se gonfler à contre. Les forces qui vont s’exercer sur les voiles vont s’opposer et le bateau va s’arrêter face aux vagues. Il ne vous reste plus qu’à bloquer la barre en l’orientant « au vent ». Même dans une grosse mer avec beaucoup de vent, vous retrouverez tout de suite un peu de « confort » et de tranquillité. Vous pourrez vous mettre à l’intérieur, vous reposer, manger. Les sensations seront immédiatement complètement différentes.

La mise à la cape est également une manoeuvre d’urgence en cas d’homme à la mer par exemple, à condition que vous ne naviguiez pas sous spi ou trop au portant. N’hésitez pas à pratiquer cette manoeuvre dès vos premières sorties.

8. Travaillez votre communication

Lorsque l’on débute dans une nouvelle activité, le manque d’assurance peut vite nous faire paniquer dans des situations un peu stressantes ou dans des manoeuvres que nous n’avons pas beaucoup pratiquées. Un mouillage, une prise de coffre, une prise de ris, un accostage dans une marina… Lorsque l’on a peu d’expérience (comme après d’ailleurs), la peur de perdre le contrôle peut générer de l’agressivité, des engueulades qui ne vont pas arranger les choses. Aussi, une bonne communication est cruciale

Le Capitaine reste le seul chef d’orchestre à bord, il est responsable de la réussite ou de l’échec de la manoeuvre. Mettez vous d’accord avant la manoeuvre sur des signes qui vont vous aider à communiquer. Souvent avec le vent, il n’est pas rare de ne pas s’entendre entre l’avant et l’arrière du bateau. Prenez votre temps, expliquez ce qu’il y a à faire, décomposer les manœuvres et surtout, restez calme! Si vous devez vous y reprendre à plusieurs fois, ce n’est pas grave. L’énervement est la meilleure recette pour se rater et mettre une très mauvaise ambiance à bord.

Il n’est pas rare de voir des voiliers arriver dans des mouillages et de faire le spectacle avec Monsieur à l’ancre et Madame à la barre. Et si par malheur la première tentative rate, alors c’est le début du spectacle pour tous les bateaux voisins. L’orgueil de Monsieur en prend un coup et Madame assume comme elle peut… Et croyez-nous, vous ne voulez pas vous retrouver dans cette situation! Nous avons tous manqué des manoeuvres et nous en manquerons encore. L’erreur est humaine et c’est d’ailleurs comme cela qu’on apprend. Alors restez zen, la plaisance doit rester du plaisir.

9. Donnez-vous du temps

Votre programme est de partir voyager au long-cours en famille. Profitez de ce que le voilier vous offre: de la lenteur! Inutile de vouloir aller trop vite dans vos étapes et votre parcours. L’aventure peut commencer à seulement 2h de navigation de son point de départ. Et cela suffit parfois à être totalement dépaysé.

Donnez le temps à chacun de trouver son rythme à bord. Et à moins que vous n’ayez qu’une seule année devant vous qui vous impose des créneaux de traversée pour un tour de l’Atlantique par exemple, rien ne vous empêche de décaler de plusieurs mois une longue traversée. En voilier, le rythme effréné de la terre n’a pas lieu d’être. Alors laissez-vous porter par vos envies et vos coups de coeur!

10. Entraînez-vous à barrer, à sentir votre bateau et à en connaître ses réactions

Pouvez-vous vous imaginer conduire une voiture sans jamais toucher le volant? Lui feriez-vous une confiance aveugle à 130km/h sur l’autoroute ou bien en cas d’urgence sans connaître ses réactions? Probablement que non… Mais il faut aussi envisager les pannes électroniques. Certes, un pilote automatique barre beaucoup plus précisément qu’un humain, mais si votre pilote tombe en panne, comment feriez-vous? Vous n’aurez pas d’autre choix que de barrer 24h/24, à moins de disposer d’un régulateur d’allure qui pourra vous soulager un peu.

Quand on décide de partir voyager en voilier en famille sans expérience, de nombreuses craintes surgissent, la plupart du temps parce que nous sommes confrontés à un environnement hostile, qui nous est inconnu et dont on ne maîtrise pas tout. Un bateau qui accélère, qui prend de la gîte, ça reste toujours impressionnant et ça peut créer des peurs par manque de connaissance des réactions du voilier. Or plus vous allez vous familiariser avec le comportement du bateau sous voiles, plus vous serez rassuré(e) sur son côté marin. Tous les membres de l’équipage devraient se familiariser avec la conduite du bateau, y compris les enfants. Pour eux, c’est un bonheur de pouvoir barrer et de sentir les mouvements du bateau.

Et une nouvelle fois, n’ayez pas peur de faire des erreurs, vous verrez que les bateaux de plaisance pardonnent généralement beaucoup plus d’erreurs que ce que l’on pense.

Les 5 raisons de partir voyager en voilier

Au cours des derniers mois ou des dernières années, ne vous êtes-vous jamais dit que vous aviez envie de tout plaquer pour faire autre chose, sortir de votre routine quotidienne, vivre pleinement ce à quoi vous aspirez le plus avant qu’il ne soit trop tard? Après tout, nous ne savons jamais de quoi est fait demain et nous pourrions vite regretter de ne pas être allé au bout d’un projet qui nous tient à coeur, quel qu’il soit…

C’est ce qui s’est passé pour notre famille il y a un peu plus de deux ans. Nous n’étions plus vraiment en phase avec la société dans laquelle nous vivions, nous aspirions à autre chose avec plus de sens, plus proche de nos convictions et de nos valeurs. Nous voulions démontrer à nos enfants qu’il existe des modes de vie alternatifs, leur faire découvrir toute la richesse du monde et des gens malgré les différences de cultures. Pour nous, partir voyager en voilier s’est imposé comme une alternative idéale. Nous faisions déjà de la voile pendant les périodes estivales et ce sentiment de déconnection, de simplicité nous séduisait.

Bien sûr, il y a toujours de bonnes raisons pour ne jamais partir. La réalité peut vite nous rattraper et changer radicalement de mode de vie demande du courage. On se jette dans l’inconnu, on sort de notre zone de confort, on expose nos vulnérabilités. Et face à ces difficultés, beaucoup renoncent avant même d’avoir essayé, par peur de se tromper ou de ne pas réussir. Ces ressentis sont pourtant normaux et sains. Nous n’avons pas échappé à ces questionnements. Mais une fois nos craintes et nos doutes surmontés, nous avons franchi le pas, sans regrets. Et si c’était à refaire, nous le referions sans hésiter. Car malgré des défis, ce mode de vie sur l’eau nous apporte énormément de satisfaction.

Alors voici pour nous les 5 raisons de partir voyager en voilier.

1. L’océan, un dernier espace de liberté

La vie à terre nous emprisonne dans un fonctionnement routinier où tout est codifié, régulé, à tel point que ça devient oppressant. Nous sommes finalement prisonniers d’un quotidien rythmé par le travail, l’école des enfants, où le temps ne nous appartient plus vraiment. Quelques jours de répit par an ne suffisent plus à éviter l’implosion, les burnouts, les « craquages » qui viennent polluer notre équilibre de vie. 

Sur la mer, le rapport au temps est différent. Chaque instant est apprécié à sa juste valeur avec cette impression de lenteur qui apaise. Et puis il y a cette ouverture vers le monde, où contempler l’horizon nous donne envie de découvrir de nouveaux espaces, de vivre de nouvelles aventures. Le simple fait de hisser les voiles nous ouvre un champ de possibles et nous porte vers de nouvelles opportunités, de nouvelles rencontres. En mer, nous avons un peu l’impression d’un monde sans frontières, même si évidemment, nous ne coupons pas avec les formalités d’entrée dans les pays que nous visitons. Mais elles ont un goût différent, certainement plus authentique, plus convivial et chaleureux. Et le fait d’atteindre un nouveau pays par la mer procure un sentiment de satisfaction immense. Il ne s’agit plus de débarquer d’un avion après 8h de vol dans le confort, mais bel et bien de savourer le voyage et le chemin accompli, au cours duquel nous aurons de nouveau appris beaucoup de choses, sur nous-mêmes, sur notre environnement. 

2. Une vie minimaliste, loin du tumulte des villes et de l’hyper-consommation

Partir voyager en voilier, c’est se détacher de tout ce qui est superflu et en particulier du matériel. C’est lorsque l’on déménage d’une maison à un bateau que l’on s’aperçoit à quel point nous stockons des choses inutiles. Le grand mal de notre société moderne… En voilier, nous revenons à l’essentiel. Et l’on prend très vite goût à cette vie minimaliste, y compris les enfants qui retrouvent très vite le plaisir de profiter de l’environnement qui se trouve autour d’eux.

Lorsque l’on voyage en voilier, le plaisir ne réside pas dans l’achat du dernier gadget à la mode, mais plutôt dans l’excitation de ce que l’on va découvrir à la prochaine escale, au bonheur de contempler l’océan, d’admirer les dauphins qui viennent jouer devant l’étrave. Finalement, on s’aperçoit que le bonheur ne se trouve pas dans la quantité de choses que l’on possède, mais tout simplement dans la capacité à vivre en harmonie avec ses valeurs et de s’enrichir de cultures et d’expériences différentes. 

Traversée de l'Atlantique

3. Une empreinte écologique limitée, un mode de vie plus durable en harmonie avec la nature 

Il ne fait plus aucun doute que le mode de vie occidental nous mène tout droit dans le mur à plusieurs niveaux. La course à la croissance économique détruit notre planète et le vivant. Une nouvelle fois cette année, la date de dépassement mondiale, date à laquelle l’humanité a épuisé toutes les ressources que la planète peut produire en une année, est tombée le 28 juillet. En France, elle était le 5 mai… Nous sommes en train de nous auto-détruire et ce processus est exponentiel.

Partir voyager en voilier permet à notre échelle de faire un geste pour la planète en vivant en toute autonomie ou presque. Nous portons en permanence attention à notre consommation énergétique et nous sommes conscients de la quantité d’énergie que nous utilisons. L’électricité nous est fournie par le soleil, le vent, ou la mer. Nos voiles sont notre moteur principal et selon les zones de navigation, il est possible qu’un plein de carburant dure plusieurs mois. Quant à la nourriture, elle provient le plus possible de circuits courts et locaux, la pêche restant un plaisir pratiqué de façon raisonnée uniquement pour subvenir aux besoins du bord. L’utilisation de l’eau est aussi maîtrisée car nous avons conscience de sa rareté. Nous produisons également beaucoup moins de déchets au quotidien.

Ce mode de vie implique de fait le développement d’une conscience environnementale devenue indispensable de nos jours.

4. Redonner de la valeur aux relations humaines, à l’entraide

En voilier, la solidarité fait partie des valeurs ancrées dans l’esprit de chaque marin. Si vous ne connaissez presque pas vos voisins à terre même après plusieurs années de vie au même endroit, soyez certain(e) qu’en bateau, dès votre premier mouillage, vous risquez d’être invité(e) pour un apéro improvisé.

Dans ce mode de vie, il y a toujours quelqu’un qui veille sur vous, sur votre bateau. Il existe une solidarité collective qui fait du bien, doublée de respect et d’humilité probablement liées au fait que chacun sait ce que les uns et les autres ont traversé pour arriver là où ils sont. Il n’y a souvent pas de jugement, surtout de la bienveillance, bien éloigné de l’esprit individualiste qui règne en maître dans nos vies citadines.

5. Une ouverture d’esprit incomparable pour les enfants

Les voyages forment la jeunesse. Et bien pour les enfants, partir voyager en voilier apporte bien plus que ça. C’est une source d’épanouissement, de développement personnel et d’ouverture d’esprit incomparable. Après seulement quelques mois passés à bord, vous verrez vos enfants se transformer. Ils seront beaucoup plus ouverts au monde, beaucoup plus autonomes, prendront beaucoup plus de responsabilités et de confiance. Socialement, ils auront un contact bien plus facile avec les gens, quelles que soient leur culture, leur origine, leur langue. Tout cela en feront un peu des caméléons. Ils parviendront à s’intégrer dans n’importe quel groupe, y compris avec d’autres enfants d’âges très hétérogènes. Ils auront un sens du contact beaucoup plus facile avec les adultes également.

En bref, ils seront équipés pour aborder les challenges de la vie en ayant développé des savoirs-être et des savoirs-faire indispensables à la vie en société. 

Partir voyager en voilier

Tout cela vous donne envie, vous inspire, vous séduit? Alors qu’attendez-vous pour vous lancer dans une nouvelle aventure? Nos limites sont celles que nous nous imposons nous-mêmes. Le premier pas est souvent le plus difficile à franchir. Parlez-en avec votre conjoint(e), donnez du sens à vos actions, définissez un plan, créez les conditions pour réussir votre transition vers un nouveau mode de vie, fixez-vous une date et hop, il ne vous reste plus qu’à larguer les amarres…!

On traverse l’Atlantique, direction les Antilles! (Partie 1/2)

Traversée de l'Atlantique

On part pour une traversée de l’Atlantique, direction les Antilles! Vous y croyez vous? Nous, on a encore du mal à réaliser… on va traverser un océan à la seule force du vent, et braver les éléments sur notre maison flottante. Il y a encore quelques semaines nous hésitions à nous engager dans un tel périple. Parce que quand on y pense, même si pour beaucoup de marins expérimentés, l’expérience paraît banale, il s’agit bien de passer environ 3 semaines sur l’eau au milieu de l’Atlantique sur une coque en plastique qui ne représente pas grand chose au milieu de cette immensité…

Pour nous lancer malgré nos hésitations (c’est quand même une grande inconnue pour nous!), il y a eu un premier déclic après notre soirée passée avec Sophie de RyanandSophie Sailing. Elle a fini par nous rassurer sur le fait que nous étions suffisamment équipés pour partir. Jusque-là, l’état de notre génois déjà réparé ne nous rendait pas vraiment optimistes. Mais au final, avec 4 voiles d’avant (2 génois, une trinquette et un spi), on a fini par être convaincus de partir. Mais avant ça, nous sommes passés par quelques préalables.

Équipage et révisions...

D’abord sortir le bateau de l’eau pour lui faire une bonne révision. Notre escale à Las Palmas de Gran Canaria a été parfaite pour cela. Safran, guindeau, spi, teck, antifouling, vérification du gréement, nous n’avons pas ménagé nos efforts juste avant Noël pour nous assurer que le bateau était au top de sa forme pour nous porter vers l’Ouest! Ensuite, il nous fallait constituer notre équipage. Nous avions recruté Léa, une jeune française avec qui nous avions eu un contact en visio-conférence après qu’elle ait posté une annonce sur les groupes spécialisés dans les bourses aux équipiers. Pour nous, Léa avait le profil parfait, avec comme inconnue l’acclimatation à l’univers marin et au mal de mer. Sans connaissance de la voile, son but était de traverser de préférence avec une famille. Une excellente chose puisque nous voulions que quelqu’un puisse occuper les enfants pendant les journées de navigation. Très rapidement, elle se montrera non seulement très dévouée vis à vis de Mathieu et Océane, mais en plus de ça, passionnée par la navigation, l’envie d’apprendre et de comprendre. Elle se révèlera être une super barreuse, même dans les conditions un peu plus musclées. 

Avec Léa, notre équipage semblait complet, jusqu’au jour où Lynne m’informe lorsque nous étions à Las Palmas, que deux heures plus tard, 2 garçons, Antonin et Corentin, allaient venir nous voir pour discuter de leur projet de traversée. Tous les deux viennent de se lancer dans un tour du monde en stop. Ils travaillent avec des écoles primaires, ne connaissent pas la voile non plus. Mais leur projet est super et s’inscrit bien dans la philosophie que l’on aime, avec l’implication des enfants. Du coup ça « matche » vraiment bien et deux jours plus tard, ils s’installent à bord. Ils sont bien complémentaires pour la gestion du bateau et d’une gentillesse incroyable. Leur présence ne sera pas de trop pour les travaux sur le bateau. Et franchement, les écouter s’extasier à chaque instant fait vraiment plaisir. Leur mot clé, c'est "Incroyable"! Au moins, ils savent apprécier la vie et savent aussi pourquoi ils sont là!

Traversée de l'Atlantique

Le pré-départ et Covid

Océane voulait absolument passer Noël hors navigation. Certainement par crainte que le Père Noël ne la trouve pas!… c’est donc au mouillage de Las Palmas que nous célébrons simplement cette journée spéciale, par 24 degrés. Puis faute de bonne fenêtre météo pour descendre au Cap-Vert, nous prenons la décision de nous rendre à Tenerife pour quelques jours. Cela permettra à tout l’équipage de s’amariner. Nous faisons une courte navigation de nuit et nous installons à la Marina de Santa Cruz. Là, nous y retrouvons nos amis de World Towning et de Kokopelli qui étaient nos voisins de ponton à Canet! Décidément ce monde est petit, et nous sommes ravis de retrouver Alain et Lydia. Nous faisons aussi la connaissance d’une famille Belge avec qui Mathieu et Océane ne cessent de jouer. Jusqu’à ce que… à la veille de partir pour le Cap-Vert, nous sommes tous testés positifs au COVID. Désillusion pour tout le monde, nous qui pensions passer le Nouvel An en mer, nous allons devoir rester isolés sur le bateau pendant 7 jours… heureusement à part une légère fatigue, nous n’avons que très peu de symptômes. Mais on doit bien avouer que l’impatience commence à nous guetter, même si fondamentalement, rien ne nous presse à partir…

On prend le large!

Le bon côté du Covid, c’est qu’une fois la période d’isolement passée et dans l’attente de la fenêtre météo, nous pouvons refaire quelques réserves. Et avec Lynne, nous en profitons pour faire une dernière petite escapade sur le Teide, le plus haut sommet d’Espagne perché à 3.700m d’altitude.

Enfin, c’est le grand moment! Nos tests antigéniques négatifs, l’excitation se fait grandement sentir parmi l’équipage. Nous larguons les amarres à 9:00 de Santa Cruz et nous faisons un stop rapide quelques milles plus au sud pour faire le plein de carburant. Nous reprenons ensuite notre route au moteur à cause d’un vent défavorable, jusqu’au moment où il s’établit à 15 noeuds travers, le temps idéal pour dérouler le génois. Et là, grosse désillusion, l’enrouleur électrique ne fonctionne pas… je passe au moins 3 heures à essayer de trouver la solution, mais sans succès. Nous devons faire une escale technique au sud de Tenerife pour trouver la solution à cette énigme que j’ai bien l’intention de résoudre en moins de 24h. Une chose est certaine, le problème est électrique. Alors une fois amarrés à la marina San Miguel, qu’il fasse déjà nuit ou pas, je m’empresse de démonter le boîtier de commande pour inspection. Bingo! L’interrupteur est complètement oxydé et les fils électriques ne sont pas dans le meilleur des états. Du coup, à la première heure le lendemain matin, je suis à fond pour aller trouver un nouvel interrupteur. C’était sans compter sur mes yeux qui se fixent sur le nom du bateau voisin: « last chance »… serait-ce un signe du destin? Ça passe ou ça casse? Je trouve finalement mon graal en moins d’une heure. Retour au bateau, changement de l’interrupteur, reprise des fils électriques, je teste, ça fonctionne! Je peux refermer tout ça et nous pouvons prendre le large! Cette fois-ci c’est la bonne!

Traversée de l'Atlantique

6 jours exceptionnels

Toujours difficile de décrire les instants d’émotions que l’on peut ressentir quand on vit une expérience aussi particulière que celle de partir en mer pour traverser un océan. De toutes les navigations que nous avons fait depuis 2 ans, celle-ci est de loin la plus remarquable que nous ayons pu avoir, et de loin la plus agréable. Si nous sommes forcés de faire un arrêt technique pour une nuit au Sud de Tenerife pour un problème électrique sur l’enrouleur de génois, nous reprenons la mer dès le lendemain dans des conditions idéales, avec 15 noeuds travers. Nous sommes accompagnés d’un catamaran américain qui a quitté la marina de San Miguel au même moment que nous. Nous naviguerons pendant 48h bord à bord, avec des contacts VHF réguliers. Rapidement, les dauphins viennent nous rendre visite. Nous en avons tous les jours. La nuit, ils dessinent un sillage dans le plancton fluorescent, déboulant de l’arrière du bateau à l’étrave comme des torpilles! Le spectacle est fascinant. Le bateau marche bien à une moyenne soutenue de 7 noeuds et nous parcourons 320 milles en 48h. Les conditions de la deuxième nuit sont même un peu musclées avec des rafales à 32 noeuds et un vent moyen de 26-27 noeuds. Mais le bateau même un peu trop toilé passe bien les vagues. Je décide de soulager le pilote en prenant la barre plusieurs heures, relayé ensuite par nos équipiers de choc, Léa, Antonin et Corentin.

Traversée de l'Atlantique

A partir du troisième jour, le jeu consiste à essayer d’échapper au mieux au centre de l’anticyclone. Mais il avance plus vite que nous. Nous envoyons le spi pour la première fois depuis que nous avons le bateau et en profitons pour prendre des images de drone. Les dauphins viennent jouer par dizaine autour du bateau. Et ils s’en donnent à cœur joie, les plus jeunes sautant à des hauteurs impressionnantes. C’est la fête à bord! Tout le monde admire et savoure le moment. Deux tortues passent tranquillement à deux mètres de la coque, on ne sait plus où donner de la tête.

Traversée de l'Atlantique

Le lendemain, nous renvoyons le spi pour quelques heures puis le vent faibli vraiment. C’est l’heure et les conditions parfaites pour une baignade par 4.000m de fond. La température de l’eau n’est pas loin des 28 degrés. Léa surmonte ses peurs des grands fonds, Antonin et Corentin enchaînent les sauts depuis le bateau et Océane suit le mouvement. Puis nous repartons au moteur pour les 48 prochaines heures. On se passerait bien du grondement de notre ami "Perkins", mais c’est le seul moyen d’avancer. Et dans ces conditions, nous apercevons à quelques centaines de mètres de nous, plusieurs baleines en surface. Je décide de dévier notre route pour nous en rapprocher doucement, sans les perturber. Et là, le spectacle est magique. Nous passons 1h30 à les observer. L’une d’entre elles sortira la tête à tout juste 10 mètres du bateau. Impressionnant et majestueux de voir ces énormes mammifères si près de nous.

Et c’est finalement à l’aube du sixième jour que nous apercevons la terre se dessiner à l’horizon. Les îles de Santo Antao, São Vicente et São Nicolau apparaissent à quelques milles encore du bateau. Nous profitons d’un peu plus d’air pour terminer notre traversée sous voiles. Nous arrivons dans la baie de Mindelo après tout juste 6 jours de navigation. Nous avons parcouru 840 milles nautiques sans aucun dommage et avec un super équipage dont la complicité continue à se construire chaque jour un peu plus. Nul doute que ces moments resteront gravés dans la tête de chacun pour encore de longues années.

Nous allons maintenant profiter de ce que le Cap-Vert a à nous offrir. C’est la première fois depuis notre départ que nous sommes réellement dépaysés et que les enfants vont pouvoir vraiment commencer à se rendre compte de la chance qu’ils ont de faire ce voyage. 

Pour retrouver les images de notre traversée, ne manquer cette vidéo réalisée par notre équipier Antonin. Un régal!