Ça y est, votre décision est prise. Après des mois ou des années de réflexions, d’hésitations, vous ne reviendrez pas en arrière. Même avec très peu d’expérience de la voile, dans votre tête, vous êtes prêts à partir voyager en voilier et en famille. À vous la liberté, vous allez pouvoir partir à la conquête du monde, braver l’horizon et les éléments pour vivre l’aventure de votre vie!
Nous ne connaissons pas une seule famille nomade qui n’ait pas ressenti ce bien-être, cette forme de libération et d’excitation après avoir pris la décision de se lancer dans une nouvelle aventure. Il faut une sacrée dose de courage, d’abnégation mais certainement aussi un peu d’insouciance pour décider de quitter son confort quotidien et partir hors des sentiers battus. Mais cette décision a souvent un sentiment libérateur et nous procure l’énergie nécessaire pour franchir les premiers obstacles qui surgissent devant nous.
Pour autant, nombreuses sont les questions qui nous envahissent. Par où dois-je commencer, quel choix de bateau dois-je faire, quels cours dois-je prendre?… Et puis il reste l’essentiel: comment vais-je réagir une fois que je vais être en mer? Car même si nous avons pris quelques cours de voile au préalable ou que nous avons l’habitude de navigations côtières, la navigation hauturière se distingue à bien des égards. Ne plus voir la terre peut par exemple être un facteur anxiogène, avec l’impression d’être livré à soi-même. Et cette angoisse peut vite se révéler oppressante pour une personne qui se lance dans un voyage en voilier sans beaucoup d’expérience préalable.
Alors pour prendre un bon départ, voici quelques conseils qui vous permettront d’avancer plus sereinement dans votre projet.
1. Ne pas voir trop grand dans le choix du bateau
Lorsque l’on décide de partir en voyage en voilier au long-cours, nous avons tendance à vouloir conserver un minimum de confort, comme à terre. Or ce sont des environnements totalement différents. Il est utopique de penser que toutes les commodités que nous avons dans une maison vont se retrouver sur un voilier. Un bateau doit rester le plus possible minimaliste, car plus il est complexe, plus il est équipé, plus les risques de pannes augmentent. Chacun doit trouver le meilleur compromis entre le confort, les équipements et les coûts associés.
Que votre choix se porte sur un monocoque ou sur un catamaran, vous devez savoir que plus votre bateau est grand, plus il va coûter cher en entretien. Et quand on dit cher, on parle souvent en milliers d’euros. Si vous devez ajouter à cela les coûts des marinas lorsque des travaux sont nécessaires, le budget peut vite être amputé.
Mais cela n’est pas tout. Car choisir un grand bateau, c’est également devoir être en mesure de le manoeuvrer facilement. Nous avons tous eu des sueurs froides lors de manoeuvres dans des marinas que l’on ne connait pas, avec du vent de travers et des emplacements étroits. Enfin, un grand bateau sera beaucoup plus physique à manoeuvrer en mer. Même avec de l’assistance électrique, le bateau développera une puissance plus importante qu’un voilier plus modeste. A moins que vous ne naviguiez avec des équipages conséquents (ce qui n’est souvent pas le cas en famille), vous devrez être en mesure de manoeuvrer votre voilier en équipage réduit. Mieux vaut donc le choisir dimensionné à son programme et aux capacités de son équipage.
2. Débuter par de courtes navigations qui vont s’allonger progressivement, choisir son programme en rapport avec son niveau d'expérience
Même si vous avez déjà pris des cours de voile, considérez que partir en voyage en voilier en famille avec peu d’expérience, c’est un peu comme se lancer tout seul sur le périphérique parisien le lendemain de l’obtention de son permis de conduire. En gros, vous ne faites pas le malin, vous êtes seul(e) aux commandes et plus personne ne peut vous aider à prendre les bonnes décisions. Et vos réflexes, vos réactions face à un danger sont encore loin d’être aguerris. A chaque fois que vous allez allumer le moteur pour quitter une marina ou un mouillage, votre coeur va se mettre à battre et il y a fort à parier que vous ressentiez une petite boule dans le ventre. Mais cela est sain! Et dites vous que le jour où vous ne ressentez plus cette boule dans le ventre, vous aurez intérêt à redoubler de vigilance. Car l’excès de confiance en mer, ça ne pardonne pas.
Pour éviter de vous mettre trop vite dans des situations de stress intense, débutez par de courtes navigations de 2 ou 3h que vous allongerez progressivement. Bâtissez votre confiance dans le bateau, en vous-mêmes mais aussi dans votre équipage. Tout le monde à bord doit pouvoir apprendre à maîtriser le bateau, à en comprendre ses réactions. Ne soyez donc pas trop ambitieux dans vos premiers milles, mais préférez assurer le coup.
De plus, la réussite d’un voyage au long-cours se joue plus dans l’esprit d’un marathon que d’un sprint. En d’autres termes, préférez aller lentement dans vos déplacements plutôt que de vous imposer d’être rapidement à tel ou tel endroit. C’est souvent lorsque l’on courre après le temps que l’on enchaîne les navigations. On profite moins des escales, on se fatigue plus et l’inconfort peut vite se faire sentir parmi l’équipage. Or l’inconfort peut se transformer en stress, laisser place à la peur, à la saturation et en dernier lieu, à l’arrêt prématuré du voyage.
Avancez donc pas à pas, sans vous surestimer ou sans sous-estimer ce qu’engendre l’accumulation de beaucoup de milles en peu de temps. Rappelez-vous, vous ne faites pas de course mais de la plaisance!
3. Choisissez le plus possible des créneaux météo calmes en portant attention à la houle et aux courants
En voilier c’est bien connu, c’est la météo qui dicte le rythme. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on débute et que l’on a peu d’expérience. Aller se confronter à des vents de plus de 25 noeuds, sauf quand on a pas le choix, ça commence déjà à être sportif pour des équipages non aguerris. Et si vous partez de Méditerranée, méfiez-vous encore plus, car elle est beaucoup plus traitre que l’Atlantique avec des vagues courtes et violentes.
Avant de prendre la mer ou de quitter un mouillage, étudiez bien les fichiers météo en vous basant sur les prévisions les plus pessimistes. Prenez les prévisions en mode « rafales » et ajoutez encore entre 5 et 10 noeuds pour vous accorder une marge de sécurité. Renseignez-vous également sur le particularités de votre zone de navigation. Les configurations des plans d’eau peuvent générer des vents différents de ceux annoncés par les fichiers météo. Et au lieu de vous retrouver dans du 15 noeuds avec mer plate, vous pourriez être surpris(e) avec des vents 2 fois plus forts qui pourraient vous mettre en difficulté.
4. Ne pas se lancer dans des navigations de nuit tout de suite
La nuit toutes les sensations et les perceptions sont différentes. A vitesse égale, vous aurez l’impression d’aller plus vite. Vous n’apprécierez pas les distances de la même façon et bien sûr, vous n’aurez presque pas de luminosité, sauf en cas de pleine lune. À l’intérieur du bateau, les bruits sont perçus différemment que le jour. Les craquements du bois sont plus marqués, tout semble plus impressionnant. Sans compter les dangers qui peuvent trainer en surface et que vous ne verrez pas, les autres bateaux que vous pourrez croiser et pour lesquels il faudra interpréter correctement le cap, la vitesse, les feux…
Un conseil, allez-y la aussi progressivement. Commencez par faire des petites parties de nuit, comme par exemple partir en navigation en toute fin de nuit pour avoir une à deux heures d’obscurité. Puis allongez au fur et à mesure les durées. Vous verrez que vous gagnerez progressivement en confiance. Et vous pourrez apprécier de plus en plus ces navigations qui offrent souvent un spectacle grandiose: Voie lactée, plancton fluorescent, dauphins…
5. Embarquez un skipper, un moniteur de voile ou un ami qui a de l’expérience pour vous accompagner dans vos premiers milles
Même si vous avez pris des cours de voile, il n’est jamais facile de se lancer tout seul au milieu de nulle part… N’hésitez pas à vous faire accompagner par une ou des personnes qui ont plus d’expérience et qui finiront de vous accompagner et de vous rassurer dans la prise en main de votre voilier. Même si vous resterez le maître à bord, savoir que vous avez des personnes qui auront les bons réflexes en cas de problème, qui pourront tenir des quarts sans que vous ayez à vous inquiéter, ça vaut de l’or.
Il y a beaucoup de personnes qualifiées qui souhaitent s’embarquer pour des navigations plus ou moins longues. En parcourant les réseaux sociaux, les forums, en postant des annonces, vous trouverez à coup sûr la personne qui vous convient. Mais attention, étant capitaine de votre voilier, c’est vous qui fixez les règles de fonctionnement selon ce que vous recherchez. N’oubliez jamais que le manque d’expérience n’est pas incompatible avec la capacité à déterminer son programme et la façon dont on veut naviguer.
6. L’équipier ou l’équipière adulte qui a le moins d’expérience prend la décision du top départ
Se lancer dans un voyage en voilier en famille sans expérience et pour une longue durée n’est anodin pour personne. Le degré de confort, de confiance et les ressentis sont forcément différents selon les membres de l’équipage. Avant d’appareiller même pour une courte navigation, le départ doit être concerté. Il est conseillé que l’adulte qui se sent le moins à l’aise soit favorable au départ, cela ménagera les susceptibilités et sera un gage d’harmonie à bord. Par exemple, une bonne chose à faire et de laisser la personne la moins à l’aise étudier les fichiers météo et donner son point de vue sur les conditions de navigation. Le créneau de départ pourra ainsi être choisi d’un commun accord. Par la suite, au fur et à mesure des navigations, tout le monde sera plus à l’aise et il sera plus facile de partir.
7. Apprenez à mettre votre bateau à la cape
En mer, nous ne sommes jamais très loin d’une difficulté, d’une météo changeante, d’un problème technique ou tout simplement d’un gros coup de fatigue. Et lorsque vous êtes trop loin des côtes et que vous devez faire le dos rond, l’une des meilleures options consiste à mettre votre bateau à la cape. Mais de quoi s’agit-il exactement?
En théorie comme en pratique, c’est assez simple. Il « suffit » de faire virer le bateau sans ne rien toucher aux voiles et à vos réglages. La grand voile va changer d’amure et la voile d’avant va se gonfler à contre. Les forces qui vont s’exercer sur les voiles vont s’opposer et le bateau va s’arrêter face aux vagues. Il ne vous reste plus qu’à bloquer la barre en l’orientant « au vent ». Même dans une grosse mer avec beaucoup de vent, vous retrouverez tout de suite un peu de « confort » et de tranquillité. Vous pourrez vous mettre à l’intérieur, vous reposer, manger. Les sensations seront immédiatement complètement différentes.
La mise à la cape est également une manoeuvre d’urgence en cas d’homme à la mer par exemple, à condition que vous ne naviguiez pas sous spi ou trop au portant. N’hésitez pas à pratiquer cette manoeuvre dès vos premières sorties.
8. Travaillez votre communication
Lorsque l’on débute dans une nouvelle activité, le manque d’assurance peut vite nous faire paniquer dans des situations un peu stressantes ou dans des manoeuvres que nous n’avons pas beaucoup pratiquées. Un mouillage, une prise de coffre, une prise de ris, un accostage dans une marina… Lorsque l’on a peu d’expérience (comme après d’ailleurs), la peur de perdre le contrôle peut générer de l’agressivité, des engueulades qui ne vont pas arranger les choses. Aussi, une bonne communication est cruciale.
Le Capitaine reste le seul chef d’orchestre à bord, il est responsable de la réussite ou de l’échec de la manoeuvre. Mettez vous d’accord avant la manoeuvre sur des signes qui vont vous aider à communiquer. Souvent avec le vent, il n’est pas rare de ne pas s’entendre entre l’avant et l’arrière du bateau. Prenez votre temps, expliquez ce qu’il y a à faire, décomposer les manœuvres et surtout, restez calme! Si vous devez vous y reprendre à plusieurs fois, ce n’est pas grave. L’énervement est la meilleure recette pour se rater et mettre une très mauvaise ambiance à bord.
Il n’est pas rare de voir des voiliers arriver dans des mouillages et de faire le spectacle avec Monsieur à l’ancre et Madame à la barre. Et si par malheur la première tentative rate, alors c’est le début du spectacle pour tous les bateaux voisins. L’orgueil de Monsieur en prend un coup et Madame assume comme elle peut… Et croyez-nous, vous ne voulez pas vous retrouver dans cette situation! Nous avons tous manqué des manoeuvres et nous en manquerons encore. L’erreur est humaine et c’est d’ailleurs comme cela qu’on apprend. Alors restez zen, la plaisance doit rester du plaisir.
9. Donnez-vous du temps
Votre programme est de partir voyager au long-cours en famille. Profitez de ce que le voilier vous offre: de la lenteur! Inutile de vouloir aller trop vite dans vos étapes et votre parcours. L’aventure peut commencer à seulement 2h de navigation de son point de départ. Et cela suffit parfois à être totalement dépaysé.
Donnez le temps à chacun de trouver son rythme à bord. Et à moins que vous n’ayez qu’une seule année devant vous qui vous impose des créneaux de traversée pour un tour de l’Atlantique par exemple, rien ne vous empêche de décaler de plusieurs mois une longue traversée. En voilier, le rythme effréné de la terre n’a pas lieu d’être. Alors laissez-vous porter par vos envies et vos coups de coeur!
10. Entraînez-vous à barrer, à sentir votre bateau et à en connaître ses réactions
Pouvez-vous vous imaginer conduire une voiture sans jamais toucher le volant? Lui feriez-vous une confiance aveugle à 130km/h sur l’autoroute ou bien en cas d’urgence sans connaître ses réactions? Probablement que non… Mais il faut aussi envisager les pannes électroniques. Certes, un pilote automatique barre beaucoup plus précisément qu’un humain, mais si votre pilote tombe en panne, comment feriez-vous? Vous n’aurez pas d’autre choix que de barrer 24h/24, à moins de disposer d’un régulateur d’allure qui pourra vous soulager un peu.
Quand on décide de partir voyager en voilier en famille sans expérience, de nombreuses craintes surgissent, la plupart du temps parce que nous sommes confrontés à un environnement hostile, qui nous est inconnu et dont on ne maîtrise pas tout. Un bateau qui accélère, qui prend de la gîte, ça reste toujours impressionnant et ça peut créer des peurs par manque de connaissance des réactions du voilier. Or plus vous allez vous familiariser avec le comportement du bateau sous voiles, plus vous serez rassuré(e) sur son côté marin. Tous les membres de l’équipage devraient se familiariser avec la conduite du bateau, y compris les enfants. Pour eux, c’est un bonheur de pouvoir barrer et de sentir les mouvements du bateau.
Et une nouvelle fois, n’ayez pas peur de faire des erreurs, vous verrez que les bateaux de plaisance pardonnent généralement beaucoup plus d’erreurs que ce que l’on pense.
Bonjour j’ai fait l’acquisition d’un Dufour 24,je suis novice mais confiant, souhaitées moi bon courage 😅
Félicitations pour cette acquisition! Ce n’est pas la taille du bateau qui compte, mais juste l’envie de voyager et de s’évader. Bon vent pour la suite!!
Je sens que je vais me faire plaisirs depuis que je viens de découvrir votre site. Un grand merci pour vos partages.
Quel est le modèle de bateau ?
Bonjour Dominique et merci pour votre message! Notre bateau est un Dynamique 52. C’est un monocoque construit en 1989 par le chantier Dynamique Yacht qui avait été créé par Chantal Jeanneau. Il a depuis disparu suite à un rachat en 1994 par Dufour. Mais les bateaux sont généralement de très bonne qualité, spacieux et très marins.
Très bien! Clair net et précis.